Pourquoi le changement climatique est un problème économique ?

Selon une modélisation présentée par Oxford Economics, un réchauffement climatique global de 3 °C d’ici 2100 aurait le potentiel d’abaisser le niveau du PIB mondial de 21 %.

« L’effet agrégé du réchauffement climatique sera notoire et renfermera le potentiel de créer de sévères dommages pour les populations dans un nombre élevé de pays », souligne Oxford. La firme de recherche a repris les données de 205 pays de 1961 à 2019. Dans sa modélisation ayant le PIB pour pivot, elle prend soin de préciser d’entrée de jeu que la lecture est liée à la capacité, limitée, du PIB de capter les enjeux et contraintes associés au changement climatique. En outre, l’exercice n’inclut pas les répercussions des événements qui ne sont pas encore expérimentés, comme une inondation massive des zones côtières sous le coup d’une montée des océans. Il ne peut également fixer une valeur à l’accroissement de la mortalité, ni à la perte du « capital naturel » qui découlerait du déclin de la biodiversité. Il ne mesure également pas les dommages collatéraux découlant des conséquences du réchauffement sur les populations.

Selon les données historiques, les pays vivant sous les 15 °C en moyenne, comme en Europe, en Asie centrale et en Amérique du Nord, vont bénéficier du réchauffement climatique. Prenant l’exemple de l’Allemagne, l’augmentation de 1,4 °C de la température observée dans ce pays depuis les années 1960 a ajouté environ 0,85 point de pourcentage par année à la croissance. L’effet se vérifie principalement sous forme d’augmentation de la productivité agricole et des activités extérieures et à l’accroissement de l’activité de construction. « Mais cela est vrai à partir du modeste réchauffement observé au cours des cinquante dernières années. Et ce serait de courte durée. »

Pire que la COVID-19

 

L’inverse se produit pour les pays dans les régions plus chaudes, comme en Afrique, en Asie du Sud-Est et en Amérique latine. Prenant cette fois l’exemple de l’Inde, le PIB aurait été de 20 % plus élevé en 2019 et la croissance, de 0,75 point de pourcentage plus forte en l’absence de réchauffement.

« La plupart des grandes économies (États-Unis, Chine, Japon) sont situées sous une température annuelle moyenne de près de 15 °C (pondérée selon la population). Ces pays n’ont donc pas été encore réellement touchés par le réchauffement à ce jour. Puisqu’ils se situent à la frontière, l’effet sur leur activité économique sera initialement modeste, ce qui peut expliquer l’absence de sentiment d’urgence dans ces pays. Cela vient ajouter aux difficultés d’adopter une action internationale commune lorsque les incitations ne sont pas alignées », écrit Oxford.

90%

C’est la baisse du PIB indien que l’équipe d’Oxford prévoit en 2100, le réchauffement climatique attendu absorbant toute la croissance future de revenu par habitant.

Selon la firme de recherche, les effets devraient commencer à devenir apparents dans ces pays à partir de 2030. Aux États-Unis, le niveau du PIB sera 2,3 % inférieur (à ce qu’il aurait été sans réchauffement) en 2050, mais 28 % inférieur en 2100. « En revanche, l’effet sera catastrophique dans les pays comme l’Inde, ou la plupart des États africains. » Sans atténuation des effets du changement climatique, ces pays seraient, sur une base par habitant, 75 % plus pauvres que s’il n’y avait pas de réchauffement. Oxford prévoit qu’en Inde, le PIB serait inférieur de plus de 90 % en 2100, le réchauffement attendu absorbant toute la croissance future de revenu par habitant.

Dans l’ensemble, selon un scénario de base prévoyant une hausse de 2 °C en 2050 et de 3 °C en 2100 en l’absence de mesures d’atténuation, et reprenant les projections de l’ONU d’une population dépassant les 10 milliards, le taux de croissance de l’intensité des énergies fossiles ferait en sorte que l’effet négatif dominera, réduisant le PIB mondial de 21 % en 2100.

À titre de référence, le Fonds monétaire international estime que la COVID-19 va retirer 4,9 % au PIB mondial cette année, plus de 8 % si l’on tient compte d’une croissance projetée de 3,3 % en 2020 avant la pandémie. La perte a été de quelque 10 % lors de la Grande Dépression.

À voir en vidéo

Bien sûr dans cet article, on est loin des sujets habituellement traités dans Ecotoxicologie.fr. Mais il me semblait impossible de parler du changement climatique sans évoquer ses conséquences économiques et humaines à court et moyen terme, et sans mettre des visages sur les premières victimes de nos émissions de gaz à effet de serre…

I. UN COÛT ÉCONOMIQUE FARAMINEUX

Selon les calculs de Nicholas Stern, ancien chef économiste de la Banque mondiale, le réchauffement climatique pourrait coûter à l’économie mondiale jusqu’à 7 000 milliards de dollars (Novethic.fr, 2014). En France, certains assureurs chiffrent les surcoûts liés au changement climatique à 100 milliards d’euro sur les 25 prochaines années et ce chiffre a déjà doublé par rapport aux estimations précédentes. Certains économistes affirment même qu’il s’agit du principal risque qui pèse sur la finance mondiale (MOOC Avenir climatique, 2017a) (NB : c’était avant la pandémie de Coronavirus…).

Mais pourquoi un coût aussi élevé ?

Tout d’abord, car le changement climatique provoque une hausse des événements météorologiques extrêmes, qui engendrent des dégâts matériels importants, qu’il faut ensuite réparer. Par exemple, la saison des ouragans 2017 dans l’Atlantique figure parmi les plus dévastatrices jamais observées, l’ouragan Harvey à lui seul ayant occasionné plus de 125 milliards de dollars de pertes aux États-Unis (OMM, 2019).

Ensuite, car il faut financer des mesures d’adaptation aux conséquences du changement climatique, par exemple bâtir des digues ou des terrains surélevés pour nous protéger des inondations ou encore construire des réservoirs d’eau douce pour faire face aux sécheresses estivales.

Lire aussi | Vers des événements extrêmes plus intenses et plus fréquents

Enfin, car selon l’Organisation Internationale du Travail (OIT), le réchauffement climatique devrait se traduire par une augmentation du stress thermique au travail, nuisant à la productivité et causant des pertes économiques. Ainsi, les vagues de chaleur liées au changement climatique devrait conduire, à l’échelle mondiale, à des pertes de productivité équivalant à 80 millions d’emploi temps plein en 2030*.

Les secteurs les plus touchés seront l’agriculture et la construction, suivis par les biens et les services environnementaux, le ramassage des ordures, les services d’urgence, les travaux de réparation, le transport, le tourisme, le sport et certains types de travaux industriels. Les pays les plus pauvres, qui n’ont pas les moyens financiers nécessaires pour s’adapter, seront les plus touchés (OIT, 2019).

*Selon un scénario très optimiste d’un réchauffement de 1,5°C d’ici la fin du siècle

II. LE RISQUE D’UNE CRISE ALIMENTAIRE MONDIALE

Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), plus de 800 millions de personnes dans le monde souffrent actuellement d’une faim chronique.

Pire, après avoir baissé durant les dernières décennies, ce chiffre est désormais en augmentation* (OMM, 2019) et pourrait même exploser à l’avenir. Tout d’abord, en raison de l’accroissement de la population et des changements apportés aux régimes alimentaires (les habitants des pays émergents mangent de plus en plus de viandes), qui devraient augmenter les besoins alimentaires de 60 % d’ici à 2050 (FAO, 2015).

Ensuite, à cause du changement climatique : dans son dernier rapport spécial « Changement climatique et terres », le GIEC prévient de l’apparition imminente d’une crise alimentaire si les émissions carbone restent incontrôlées, et ce, plus particulièrement dans les régions tropicales et subtropicales (GIEC, 2019).

*758,4 millions en 2015 VS 821,6 millions en 2018

1. Des événements extrêmes à répétition qui renforcent l’insécurité alimentaire

Selon la FAO, l’augmentation de la fréquence des événements météorologiques extrêmes, et en particulier des épisodes de sécheresse, est la première responsable de la hausse du nombre de personnes souffrant de la faim observée au cours de ces dernières années (OMM, 2019).

La Somalie a par exemple subi deux famines directement liées à des sécheresses au cours de ces 10 dernières années, la famine de 2011 ayant causé la mort de 260 000 personnes. Autre exemple plus récent, entre juin et août 2019, durant la difficile période de soudure qui sépare la saison sèche et la saison des pluies, environ 9,7 millions de personnes étaient en état d’insécurité alimentaire sévère en Afrique de l’Ouest.

2. Vers une baisse des rendements agricoles ?

En Europe, durant l’été 2019, les vagues de chaleur d’une intensité record ont affecté de nombreuses cultures, et notamment la production vinicole française qui a subi une baisse de 13 % (Novethic.fr, 2019d). Peut-être un prémisse de ce qui nous attend à l’avenir.

En effet, selon le GIEC, le changement climatique, en l’absence d’adaptation, devrait avoir une incidence négative sur la production des principales cultures (blé, riz, maïs et soja), et ce dès 2030. Les baisses de rendement agricoles de 10 à 25 % pourraient même devenir chose courante en 2050, avec des variations très importantes selon les années. Les régions tropicales devraient être les plus touchées par ce phénomène mais les régions tempérées n’en seront pas non plus exemptées (OMM, 2019). Dans certaines zones du Sahel, les rendements agricoles devraient même diminuer de 20 % par décennie d’ici la fin du 21ème siècle.

En outre, les modélisations scientifiques montrent que, lorsque le réchauffement se rapproche de + 2°C, la probabilité que les principaux producteurs de céréales dans le monde subissent un choc climatique durant la même saison devient élevée (Novethic.fr, 2019d).

En parallèle, la hausse globale des températures devrait entraîner une baisse de 40 % des captures de la plupart des espèces de poissons (FAO, 2015). Moins de nourriture pour des besoins alimentaires croissants : rien de rassurant !

3. Vers une réduction de la qualité nutritionnelle des aliments

En plus de contribuer à l’effet de serre et donc au changement climatique, l’augmentation de la concentration de CO2 dans l’atmosphère altèrera aussi la valeur nutritionnelle de certains aliments. En effet, lorsqu’il y a plus de carbone dans l’air, la plante atteint une plus grande taille, produit plus de graines*… mais contient moins de nutriments.

Ainsi, les teneurs en protéines, fer et en zinc pourraient diminuer de 3 à 17 % d’ici 2050 pour les cultures de base. Ce phénomène pourrait être particulièrement problématique pour le riz, qui reste l’aliment essentiel de la moitié de l’humanité (Sciencesetavenir, 2018).

*La plante se sert du CO2 pour « respirer » (photosynthèse)

III. L’AUGMENTATION DE LA MISÈRE ET DES INÉGALITÉS

1. L’injustice climatique

S’il est déjà reconnu que l’accessibilité aux ressources comme l’eau, la nourriture ou l’énergie n’est pas distribuée équitablement, il est également prévisible que les changements climatiques contribueront à détériorer cette situation et ce dans un futur proche (FAO, 2015).

On voit ainsi sur la carte ci-dessous, que le changement climatique touchera plus violemment les pays pauvres, situés en Afrique, en Amérique du Sud, en Asie du sud-est et dans le pacifique. Ce sont en effet les territoires les plus exposés au réchauffement climatique car ils sont situés là où il fait déjà plus chaud qu’ailleurs. En outre, leur économie repose en grande partie sur l’agriculture…et on a vu que le changement climatique entraînera des baisses de rendements agricoles (MOOC Avenir climatique, 2017a).

Exposition des pays aux risques liés au changement climatique – Source : copie-écran du MOOC Avenir Climatique S01E04  » 2°C – Évitons l’ingérable, gérons l’inévitable »

Enfin, ces pays ne sont pas suffisamment armés financièrement pour s’adapter aux aléas climatiques.

Prenons l’exemple d’une inondation : en France, quand il y a de fortes pluies en prévision, toute la population du territoire est prévenue par les autorités et a le temps de se mettre à l’abri. Pendant la crise, des services de de secours protègent et viennent en aide aux personnes. Après la crise, en cas de sinistre, les assurances prennent le relais pour prendre en charge les dégâts matériels. Enfin, certains territoires à risque bénéficient de digues de protection (parfois insuffisantes, cependant). Dans les pays pauvres, rien de tout ça, c’est un peu « marche ou crève » ! (MOOC Avenir climatique, 2017a)

Ainsi, on comprend mieux comment les impacts du changement climatique ont toutes les chances d’augmenter les inégalités qui existent déjà entre pays riches et pays pauvres (Reseauactionclimat.org, 2019b). D’après le GIEC, plusieurs centaines de millions de personnes supplémentaires pourraient être exposées à la fois aux risques liés au climat et à la pauvreté d’ici 2050* (GIEC, 2018).

Pourtant, les pays en voie de développement sont souvent les moins responsables du réchauffement climatique actuel car ils consomment moins d’énergie par habitant que les pays développés et émettent donc moins de gaz à effet de serre** : c’est « l’injustice climatique » (MOOC Avenir climatique, 2017a).

*Dans un scénario de +2°C de réchauffement par rapport à l’ère pré-industrielle

** Les pays du G20 représentent à eux seuls 81 % des émissions mondiales de CO2

2. Le changement climatique favorise l’esclavagisme

Selon l’Organisation Internationale du Travail, il y avait en 2019, 40,3 millions d’esclaves dans le monde. Rapporté à la population mondiale, cela représente plus d’un humain sur 200. Or, nos émissions de CO2 favorisent une partie de cet esclavagisme, comme expliqué dans la vidéo du site Novethic :

Lire aussi | Politique climatique : quelle sont les mesures les plus efficaces ?

3. La sécurité mondiale en danger

Les effets du changement climatique tels que la chaleur extrême, la sécheresse, l’élévation du niveau de la mer et l’intrusion d’eau salée dans les nappes phréatiques (qui rend l’eau impropre à la consommation) nourrissent l’instabilité politique, les déplacements massifs de personnes et les conflits… qui pourraient donc s’intensifier au cours des prochaines décennies (IMCCS, 2020).

On estime notamment que d’ici 2050, il y aura plus de 500 millions de réfugiés climatiques dans le monde. Quand on voit les difficultés rencontrées aujourd’hui en France pour gérer quelques dizaines de milliers de réfugiés, ça peut faire réfléchir… (MOOC Avenir climatique, 2017a)

Ainsi, d’après l’IMCCS (International military council on climate and security), le changement climatique fait peser un risque important sur la sécurité mondiale d’ici à 2040 (IMCCS, 2020).

L’exemple du Sahelest édifiant. Confronté à d’immenses défis comme la pauvreté, la pression démographique et les violences djihadistes, la région africaine est particulièrement vulnérable aux changements climatiques. Pluies diluviennes, sécheresses, terres dégradées : les perturbations liées au climat sont déjà visibles dans cette région où les températures augmentent 1,5 fois plus vite que dans le reste du monde. Autre effet du réchauffement : l’érosion côtière s’accentue d’1 à 2 mètres par an au Sénégal et à Djibouti et de 20 à 30 mètres par an dans le golfe de Guinée.

Au Sahel, deux habitants sur trois vivent de l’agriculture et de l’élevage tandis que l’immense majorité des terres cultivées sont dépourvues de système d’irrigation. Le nombre d’émigrés climatiques est difficile à évaluer mais la raréfaction des ressources naturelles exacerbe les tensions… comme en 2018 où les affrontements pour la terre entre éleveurs et agriculteurs avaient fait des centaines de morts au Nigeria (Goodplanet.info, 2019).


Article rédigé par Vivien Lecomte, 1 juin 2020, Ecotoxicologie.fr : tous droits réservés

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Quels sont les enjeux économiques du changement climatique ?

Les secteurs touchés économiquement par le réchauffement climatique relèvent aussi bien du secteur marchand comme l'agriculture, la gestion de l'eau et la demande en énergie, le tourisme et l'industrie de l'assurance, que non marchand, comme l'érosion côtière, la biodiversité et la santé.

Pourquoi le changement climatique est un problème ?

Une augmentation des gaz à effet de serre suite aux activités de l'homme piège une partie de ce rayonnement, ce qui provoque une hausse de la température des surfaces jusqu'à trouver un nouvel équilibre. C'est la cause principale du réchauffement climatique observé ces dernières décennies.

Quel est le lien de causalité entre le réchauffement climatique et la croissance économique ?

Sachs au début des années 2000, montraient déjà des effets de températures élevées sur le revenu par habitant, la productivité agricole et la santé. À partir d'un échantillon mondial, Dell, Jones et Olken indiquent, eux, qu'un degré Celsius supplémentaire se traduirait par 8,5 % de croissance en moins.

Comment le changement climatique affecte la société ?

La modification du climat est aussi synonyme d'augmentation des catastrophes naturelles. Plus d'inondations, de cyclones ou d'incendies… Cela a un impact sur les activités économiques. Tout ce qui se situe dans les zones à risque (zones côtières, arides ou exposées aux catastrophes) est potentiellement affecté.

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