Quel est le scénario le plus pessimiste du GIEC ?

Le réchauffement du climat pourrait dépasser en rapidité et en ampleur les pires scénarios retenus par les chercheurs depuis 15 ans, révèle une esquisse du prochain rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), qui sera soumis à l'ONU et aux chefs d'État en avril prochain.

C'est une fuite au quotidien britannique The Guardian cette semaine qui révèle la principale conclusion de ce rapport, sur laquelle les réviseurs scientifiques du GIEC vont plancher assidûment au cours des prochaines semaines afin d'arrêter les conclusions du quatrième rapport-synthèse de cet organisme, qui sera rendu public au début de 2007.

Selon cette esquisse, que les services onusiens n'ont pas démentie, les scientifiques se disent désormais incapables de préciser quel sera le niveau maximum d'élévation de la température terrestre moyenne au cours du siècle en raison de phénomènes naturels de rétroaction, qui vont amplifier le réchauffement en sus des importantes émissions d'origine humaine.

Dans les scénarios antérieurs et en particulier dans le dernier, présenté dans la troisième synthèse du GIEC publiée en 2001, on prévoyait que le réchauffement moyen allait se situer entre 1,5 et 4,5 degrés centigrades. Cette «fourchette» prévisionnelle ne tiendrait plus actuellement, du moins pour sa limite supérieure.

En effet, si la communauté scientifique prévoit maintenant que le réchauffement atteindra minimalement non pas 1,5 °C mais 2 °C, il n'existe plus de consensus sur la borne supérieure de la fourchette. Ainsi, plusieurs études évoquent une température moyenne du globe qui atteindrait les 11 à 12 °C.

Alain Bourque, du centre de recherche Ouranos sur le climat, n'est pas surpris de voir exploser en quelque sorte la limite supérieure de la fourchette prévisionnelle. «Il y a un fort consensus, dit-il, dans la communauté scientifique sur la hausse minimale, qui devrait effectivement atteindre 2 °C d'ici 2050. Mais plusieurs découvertes ainsi que la précision accrue des modèles mathématiques remettent en cause les conclusions qui situaient la hausse maximale autour de 4,5 °C. Il y a 10 ou 15 ans, on rejetait toute prévision qui dépassait les 4 à 5 °C en raison du manque de fiabilité des modèles. Mais on ne peut plus faire ça car leur fiabilité est beaucoup plus élevée.»

Le réchauffement du climat en cours, plus rapide que prévu, provoque en effet des synergies dont l'ampleur n'avait pas été anticipée dans le passé. Ainsi, la fonte du pergélisol libère du méthane, ce qui accélère le réchauffement. L'adoucissement des températures nordiques, ajoute Alain Bourque, augmente l'abondance des chutes de neige, ce qui isole le sol nordique des grands froids hivernaux, contribuant ainsi à une fonte encore plus accélérée du même pergélisol. Il en résulte plus d'émissions de méthane. Une étude rendue publique à la fin de 2005 prévoit la fonte de 90 % du pergélisol au cours du présent siècle en raison de ces rétroactions.

Même chose pour la fonte de la calotte polaire qui réfléchissait les rayons solaires. Comme elle fond au rythme de 74 000 km2 par année depuis 30 ans, l'océan Arctique absorbe maintenant plus de rayons solaires, ce qui le réchauffe à un rythme croissant qui accélère à son tour la fonte des glaces. D'autre part, l'adoucissement des températures nordiques stimule la croissance d'une végétation terrestre qui perce la neige, ce qui réduit l'albédo des surfaces enneigées et accélère à son tour le réchauffement.

L'accumulation de ces phénomènes explique que les émissions de gaz à effet de serre atteignent présentement un rythme 30 fois supérieur à ce que la Terre a connu en matière de relâche de carbone atmosphérique lorsqu'elle a vécu sa dernière période de réchauffement intense, il y a 55 millions d'années. Cette étude, qui a comparé les taux d'émissions depuis des millénaires, a été divulguée la semaine dernière par son auteur, James Zachos, du département des sciences de la Terre à l'Université de la Californie.

Le réchauffement en cours du climat fait présentement perdre 152 km3 d'eau au continent antarctique par année, selon une étude réalisée par des chercheurs de l'Université de Boulder, au Colorado, à partir de données satellites de la NASA. Ces données vont à l'encontre des prévisions d'un groupe scientifique américain qui prédisait en 2001 une augmentation de la masse de glace du continent antarctique, celui qui fondra le dernier. La fonte complète des glaces de ce continent est considérée comme étant pire encore, par ses effets, que la fonte de la calotte glaciaire du Groenland, même si ce phénomène pourrait contribuer à l'arrêt du Gulf Stream et de la circulation thermohaline interocéane. Cet arrêt des apports d'eaux chaudes vers l'Europe y provoquerait pendant un temps un refroidissement important. Enfin, si la fonte de la calotte groenlandaise, ajoutée à celle des glaciers alpins, risque d'augmenter le niveau des mers d'environ 0,8 mètres, la fonte de l'Antarctique, elle, ferait grimper ce niveau de cinq à sept mètres!

Présentement, indique Alain Bourque, les concentrations de gaz carbonique dans l'atmosphère atteignent 380 parties par million (ppm) alors qu'elles étaient de 280 au milieu du XIXe siècle, avant l'ère industrielle. Le seuil critique visé par toutes les études se situe au double de la valeur historique, soit à 560 ppm, une concentration qu'on devrait atteindre autour de 2050 dans la meilleure des hypothèses, dit-il. En effet, même si les pays occidentaux réduisaient leurs émissions de quatre à cinq fois plus que ne le prévoit le protocole de Kyoto, l'augmentation des émissions dans les pays émergents comme la Chine et l'Inde, ou dans ceux en développement, vont totalement annuler les réductions occidentales. D'ici 2040, aucun des scénarios, même le plus optimiste du GIEC, ne prévoit d'arrêt de la croissance des émissions de gaz à effet de serre (GES), explique Alain Bourque.

Présentement, le premier ministre de Grande-Bretagne, Tony Blair, plaide en faveur d'une date butoir qu'adopterait la communauté internationale pour arrêter la surchauffe du climat. Des scientifiques du GIEC craignent pour leur part de déposer en avril des conclusions trop alarmistes de peur de se faire accuser de faire la charrue devant les politiques, qui vont amorcer cette année la négociation des réductions de GES de l'après-2012.

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Quel est le scénario le plus optimiste du GIEC ?

SSP1-1.9 : scénario très ambitieux pour se conformer à l'objectif 1,5°C de l'Accord de Paris. C'est le scénario le plus optimiste. Les émissions mondiales de CO2 tombent à zéro vers 2050.

Quels sont les risques selon les différents scénarios du GIEC ?

Un certain nombre de risques sont directement liés aux conditions climatiques : tempêtes, sécheresses, feux de forêts, inondations ou encore canicules. Le GIEC s'intéresse plus particulièrement à l'impact du changement climatique sur la vulnérabilité des populations face à ces risques majeurs naturels.

Quels sont les scénarios possibles du réchauffement climatique selon le GIEC ?

Il a été défini dans le cadre du rapport spécial du Giec sur les conséquences d'un réchauffement global de 1,5 °C, paru en 2018, et du processus d'élaboration du sixième rapport d'évaluation (AR6) prévu pour 2021 et 2022.

Quelles sont les limites du GIEC ?

Si le changement climatique se poursuit au même rythme, le GIEC prédit qu'un tiers des espèces pourrait disparaître d'ici 2070. Les récifs coralliens ont déjà atteint la limite de leur adaptation et pourraient disparaître si le seuil des +1,5°C est franchi, ce pourrait avoir lieu dès 2040 selon la partie 1 du rapport.