Les progrès dans la prise en charge ont été très nombreux ces dernières années, pour autant l’augmentation de la survie des patients est-elle réellement significative ou liée à un effet d’optique dû à des diagnostics plus précoces ? La prise en charge des patients avec un cancer pulmonaire a connu aux cours des 20 dernières années des évolutions majeures, aussi bien dans le diagnostic qu’en matière de chirurgie, de
radiothérapie, dans le domaine des traitements systémiques, de traitements combinés ou du dépistage. Pour autant, l’espérance de vie d’un patient chez qui est diagnostiqué un cancer du poumon, en France, en 2020, a-t-elle augmenté significativement pendant ce laps de temps par rapport à celle d’un patient chez qui un cancer de même stade aurait été diagnostiqué il y a 20 ans ? Cette question en apparence simple nécessite de balayer les grands changements qui ont marqué la prise en charge
du cancer bronchopulmonaire pour apporter une réponse objective. Le diagnostic du cancer pulmonaire, comme le bilan d’extension, a bénéficié de l’essor des scanner hélicoïdaux, dont les progrès techniques ont permis une imagerie toujours plus précise et rapide, avec une irradiation qui n’a cessé de décroître au fil du temps.1 La tomodensitométrie couplée à la tomographie à émission de
positons (TEP/TDM), rapidement démocratisée dans la décennie 2000-2010, a permis un bilan d’extension plus exhaustif, complété par l’imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale, bien que son exactitude n’atteigne pas 100 %, avec des faux négatifs notamment liés à la taille infracentimétrique de certaines lésions. Les faux positifs justifient une vérification histologique systématique des images ganglionnaires médiastinales, qui a bénéficié de l’essor et de la diffusion, dans les services
de pneumologie, de l’écho-endoscopie bronchique avec une exploration exhaustive du médiastin et un diagnostic histologique précis de l’extension ganglionnaire des cancers bronchopulmonaires. Dans le domaine du dépistage, deux larges essais randomisés, l’un nord-américain (NLST), ayant randomisé 50 000 sujets,2 l’autre européen (NELSON),
ayant randomisé 15 000 sujets,3 ont démontré que la tomodensitométrie annuelle en basse irradiation, chez des sujets fumeurs à risque de 50 à 74 ans, permettait de détecter de petites lésions cancéreuses pulmonaires, sous la forme de nodules asymptomatiques, dont le traitement à visée curative, qu’il soit chirurgical ou radiothérapeutique, par stéréotaxie, permettait, dans les deux essais, d’améliorer la survie des patients de façon statistiquement très significative.
Ainsi, l’essai NLST montrait une réduction de la mortalité par cancer bronchique de 20 %, alors que dans l’essai NELSON la réduction de la mortalité était de 26 % chez les hommes, et de 39 % chez les femmes soumis au dépistage. Dans le contexte du dépistage efficace du
cancer bronchique de stade précoce, il faut rappeler que près d’un tiers des cancers du poumon non à petites cellules sont résécables au moment du diagnostic. La chirurgie des stades précoces (I et II) des carcinomes bronchiques non à petites cellules (CBNPC) a connu au cours des 20 dernières années l’essor de la vidéochirurgie, puis, plus récemment, du robot chirurgical, ces techniques permettant de diminuer la morbidité péri-opératoire, sans sacrifier l’exhaustivité du curage
ganglionnaire. Ces techniques ont aussi permis des gestes de résection sublobaire pour les petites lésions, et ce chez des patients naguère considérés comme trop fragiles pour la chirurgie, du fait de l’âge (qui n’est plus une contre-indication en soi), ou de la fonction respiratoire, sans impact délétère sur la survie.4 La radiothérapie stéréotaxique, a complété l’arsenal thérapeutique pour les petites lésions, soit par radiothérapie stéréotaxique robotisée de type Cyberknife, soit
par accélérateur linéaire polyvalent de type Novalis Tx, associé à une imagerie embarquée, avec un effet curatif pour les lésions pulmonaires de moins de 3 cm de diamètre, sans extension ganglionnaire. Une étude de registre nord-américaine de grande taille (près de 12 000 patients) montre que la survie des patients avec cancer bronchique de stade I s’est de fait améliorée entre 2001 et 2010, sans doute du fait de ces progrès chirurgicaux et radiothérapeutiques, avec des taux de
survie à 4 ans passant de 38,9 à 53,2 % pendant cette décennie.4 La première véritable révolution a été la description de mutations addictives d’abord dans 12 % des adénocarcinomes pulmonaires, pour les mutations de l’epidermal growth factor receptor (EGFR). Ces mutations ont pu être ciblées par des traitements oraux, inhibiteurs des tyrosine-kinases
membranaires, dont les gènes font l’objet de ces mutations. Ces inhibiteurs se sont avérés incomparablement mieux supportés que les chimiothérapies, avec des molécules de première, deuxième, puis de troisième génération,9-11 chaque nouvelle génération étant plus active que la précédente, et surtout ciblant des mutations de résistance dont l'émergence était responsable de progressions inéluctables au bout de 10 mois, malgré des réponses initiales parfois subtotales. Ainsi, les
anti-EGFR, puis les anti-ALK) et anti-ROS1 de 3e génération,12 permettent d’observer des survies globales de plus de 36 mois (3 ans), cependant que de nouvelles mutations sont devenues la cible d’inhibiteurs spécifiques (BRAF, c-MET, RET, NTRK1). Ces mutations addictives représentent près de 20 % des adénocarcinomes, mais 50 % des cancers des patients jamais fumeurs (10 % de la totalité des cancers bronchopulmonaires), ou des
ex-petits fumeurs, sevrés depuis plus de 10 ans. Cette année, le congrès (virtuel) de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO) a permis la présentation en session présentielle de l’essai ADAURA.13 Cette étude a randomisé 682 patients ayant eu une résection complète d’un cancer non à petites cellules (adénocarcinomes essentiellement) de stade IB, II ou IIIA, avec mutation
activatrice de l’EGFR, ayant eu ou non une chimiothérapie adjuvante classique, selon qu’ils avaient reçu en double aveugle de l’osimertinib, un inhibiteur de kinase de l’EGFR de 3e génération, ou un placebo, durant 3 ans ou jusqu’à progression. Le bénéfice espéré de survie sans maladie a cependant dépassé les prévisions, avec une diminution du risque de progression ou de décès de 83 % chez les patients dont la tumeur était de stade II ou IIIA (69 % des patients de l’étude)
et une séparation des deux courbes de survie sans maladie apparaissant dès 2 mois. À 2 ans, 90 % des patients qui ont reçu l’osimertinib étaient vivants sans récidive, alors qu’il n’y en avait plus que 44 % dans le groupe placebo, ces proportions étant à 3 ans de respectivement 80 % et 28 %.
La deuxième révolution thérapeutique est celle de l’immunothérapie qui en moins de 10 ans a trouvé sa place dès la première ligne thérapeutique chez les patients sans mutation addictive tumorale (car alors l’immunothérapie n’est pas efficace), avec adénocarcinome ou carcinome épidermoïde métastatique, et désormais même, carcinome bronchique à petites cellules (CBPC) pour lesquels aucun progrès n’avait été enregistré pendant 40 ans. Dans
les CBNPC, qu’elle soit utilisée en monothérapie si la tumeur exprime fortement la cible de l’immunothérapie (la protéine membranaire PD-L1, détectée par immunohistochimie en routine), c’est-à-dire dans plus de 50 % des cellules (ce qui représente 20 à 30 % des patients),14 ou en association avec la chimiothérapie à base de sel de platine dans les autres cas,15 on obtient désormais des médianes de survie de 20 mois ou plus. Les survies à 2 ans sont de 40 %, alors
qu’elles ne dépassaient pas 20 % avec la seule chimiothérapie. Les formes localement avancées, non opérables, du fait de leur extension loco-régionale médiastinale, mais non métastatiques (soit 22 % des
cancers pulmonaires) ont, quant à elles, bénéficié du perfectionnement des traitement combinés par radio-chimiothérapie concomitante,16 avec des radiothérapies dont la précision balistique a permis de réduire drastiquement les effets indésirables. Une étude nord-américaine de la base de données Surveillance, Epidemiology and End Results (SEER) a ainsi montré, sur près de 13 000 patients entre 2000 et 2013, que la survie médiane des patients s’était significativement
améliorée, passant de 12 mois en 2000 à 19 mois en 2013, alors que la survie à 2 ans passait de 27 % à 40,3 %.11 Un progrès décisif a été apporté par la maintenance par immunothérapie, après radio-chimiothérapie d’induction, qui a fait passer la survie à 2 ans à 66 % (contre 55 % dans le bras avec maintenance par placebo), et celle à 3 ans à 57 % (contre 43 % dans le bras contrôle).17, 18 Et dans les formes métastatiques ?Ce sont bien sûr dans les formes métastatiques, qui représentent 60 % de l’ensemble des cancers pulmonaires, que les progrès ont été les plus spectaculaires au cours des 20 dernières années. Le premier grand changement pour les patients avec adénocarcinome, a été la validation du concept de maintenance, autorisé par la mise sur le marché en 2005 d’une molécule, moins toxique au long cours, le pémétrexed. Celui-ci administré toutes les 3 semaines jusqu’à
progression, après obtention d’une réponse objective ou d’une stabilité, sous traitement d’induction initial par doublet à base de sel de platine, a permis d’augmenter la durée médiane de survie de 10-11 mois à 15-16 mois, avec une qualité de vie conservée et une toxicité limitée.20, 21 L’immunothérapie a par la suite, on l’a vu plus haut, encore amélioré ces resultats de survie. Bond de survie en 20 ansLa somme de ces
progrès a-t-elle augmenté la survie d’un patient avec cancer du poumon ? L’étude internationale CONCORD-2 confirme cette tendance lourde dans 67 pays étudiés entre 1995 et 2009 avec un bénéfice absolu semblant cependant modeste. Ainsi la survie à 5 ans aux États-Unis est passée de 16,4 % pour les patients diagnostiqués entre 2001 et 2003, à 19 % pour ceux diagnostiqués entre 2004 et 2009.22 De la même façon, une étude à partir de registres de sept pays à hauts revenus
(Australie, Canada, Danemark, Irlande, Nouvelle Zélande, Norvège et Angleterre), a montré que les taux de survie à 5 ans qui allaient de 8,9 % en Angleterre à 17,6 % au Canada entre 1995 et 1999, sont passés, respectivement, à 17,4 % en Angleterre et 24,8 % au Canada entre 2010 et 2014.23 Les écarts initiaux entre les pays n'étant pas comblés au fil du temps puisque si le gain de survie à 5 ans a été de 7,2 % au Canada, il a été de 8,5 % en Angleterre dont les performances
en matière de survie du cancer bronchique restent parmi les plus faibles d’Europe occidentale. Le plus efficace : lutter contre le tabagismeNon seulement la mortalité par cancer bronchopulmonaire a diminué dans les pays occidentaux,24 mais l’espérance de vie d’un patient ayant un cancer bronchique a manifestement augmenté au cours des 20 dernières années. Il y a cependant de grandes disparités selon le stade, le type histologique, le statut moléculaire, et le statut socioculturel,
puisque de nombreuses études confirment que le cancer bronchique, maladie du tabagisme, est restée marqué par la précarité socioculturelle, le tabagisme des cols bleus, leur accès à la prévention (lutte antitabac, dépistage), comme aux soins, restant largement inégalitaire dans les pays occidentaux. Malgré tous les progrès médicaux récents, passés en revue ci-dessus, l’action sociétale la plus efficace à l’échelle d’un pays reste la lutte contre le tabagisme et sa dé-normalisation
sociétale,24 et de fait, les progrès les plus spectaculaires en termes de mortalité par cancer bronchopulmonaire ont été observés dans les pays, souvent anglo-saxons, où cette action a été le plus efficace, avec une prévalence basse du tabagisme, de 14 % en Australie, 15 % aux États-Unis, à 20 % en Grande-Bretagne, quand encore 33 % de la population française est constituée de fumeurs réguliers. Les auteurs tiennent à remercier leur maître, le Dr Bernard Milleron, pour les discussions riches sur le sujet traité dans ce commentaire, fondées sur sa connaissance exhaustive de la littérature et son analyse rigoureuse, qui reste un exemple pour nous, en des temps où le scientisme remplace parfois l’analyse scientifique. Références 1. Verschakelen JA, Bogaert J, De Wever W. Computed tomography in staging for lung cancer. Eur Respir J 2002;Suppl 35:40s-48s. Est"Oui aujourd'hui on peut guérir d'un cancer du poumon", répond le Pr Jacques Cadranel, Chef du Service de Pneumologie et Oncologie Thoracique à l'hôpital Tenon (Paris).
Quel est le cancer du poumon le plus dangereux ?Le cancer du poumon à petites cellules est le type le plus agressif de cancer du poumon. Dans de nombreux cas, il s'est déjà propagé à d'autres parties du corps au moment où il est diagnostiqué.
Quand un cancer du poumon est inopérable ?Un cancer du poumon fréquent
Les cancers du poumon stade III non opérables (où la totalité du cancer ne peut pas être enlevée par la chirurgie) représentent le tiers de tous les malades souffrant de cancer du poumon non à petites cellules.
Quels sont les signes d'un cancer du poumon en phase terminale ?Dans les cas les plus avancés, on observe de la fatigue, des nausées, une perte de poids, des douleurs des os ou des troubles de la vision. Dans certains cas de cancer des poumons, des symptômes sans lien avec la respiration peuvent également se manifester.
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